A. Les utilisations déjà existantes
C'est au XVIIIe siècle que remonte l'utilisation du dihydrogène dans les transports. En effet, le physicien Jacques Charles effectue avec Noël Robert le premier voyage aérien à l'aide d'un « aérostat à gaz hydrogène », c'est à dire dans un ballon. Les militaires utiliseront le ballon à hydrogène pour surveiller les ennemies jusqu'à la première guerre mondiale. C'est à la fin du XIXe siècle que se développent les applications civiles jusqu'à la catastrophe de l'Hindenburg en 1937.
Les militaires conçoivent également des sous-marins à propulsion hydrogène mais ces recherches en sont encore au stade des prototypes. Enfin, des drones fonctionnant à l’hydrogène
sont développés (projet Orion Hall de l’US Army, projet Suntan, prototype Boomerang Israélien, etc.).
L'aviation
Le projet le plus ambitieux pour l'usage de l'hydrogène comme carburant a été étudié par l'US Air Force voulant créer un système de reconnaissance
opérationnel pour le vol en haute altitude, en 1956-1958 dans le plus grand secret. Bien que le projet ait été annulé avant le premier vol de l'avion, il a mené directement au premier
moteur-fusée à hydrogène. Le projet avait le nom de code Suntan, et même celui ci a été maintenu secret.
Le Suntan vient de l'intérêt de l'US Air Force pour le vol à haute altitude pendant la première moitié des années 50. La motivation de l'US Air force pour l'hydrogène liquide venait de la détermination de développer un avion avec des capacités supérieures à celles du Lockheed U-2.
William Sens, un ingénieur de Pratt & Whitney, l'entreprise travaillant pour la construction du Suntan, avait participé au voyage en Californie et s'était alors renseigné sur un possible moteur à hydrogène.
W. Sens avait envisagé d'employer l'hydrogène pour une turbine qui actionnerait un Fan ou un compresseur. Après passage par la turbine, l'hydrogène serait injecté et brûlé dans la chambre de combustion du moteur. Juste après le retour de Californie, W. Sens envoi une proposition à Pratt & Whitney pour développer un moteur à hydrogène capable de répondre aux exigences suivantes:
- Altitude : 30500 m
- Vitesse : Mach 2,5
- Poussée : 2043 kgp
- Consommation de carburant spécifique de poussée 0,076 kg/N . heure
- Poids de nacelle : 2722-3175 kg
- Diamètre de moteur : 155 cm
Cependant le projet Suntan de part ses exigences et le manque de connaissances sur les technologies de l'hydrogène ont empéché le projet d'aboutir. Cependant gràce au projet Suntan, la technologie de l'hydrogène liquide a été avancée dans plusieurs voies. Il y a eu un réveil d'intérêt pour l'avion propulsé avec l'hydrogène. En outre sa valeur potentielle est resté controversée. La NASA a tenu une conférence spéciale sur l'avion à hydrogène en 1973 et a commandité des études de projet en configurations subsoniques et supersoniques. Bien qu'aucun développement spécifique n'ait commencé, la NASA continue à susciter la recherche.
L'utilisation astronautique
Le XXe siècle a été celui de la conquête spatiale, l’hydrogène jouant un grand rôle dans la propulsion de divers engins d’exploration.
Ainsi, c'est en 1969, en période de guerre froide, que le moteur à hydrogène fait ses preuves: la fusée Saturne V de la mission Apollo 11 est propulsée en partie avec de l'hydrogène et permet à l'Homme de poser le pied sur la Lune pour la première fois. Cette prouesse humaine a permis de prouver la fiabilité du moteur à hydrogène en le rendant connue.
La fusée est haute de 111 mètres, large de 10 mètres, constituée de près de trois millions de pièces différentes. Saturne V comprenait trois étages propulsifs:
- Le premier étage (S-IC) était équipé de 5 moteurs F1 fonctionnant 150 secondes, pour une poussée totale de 3500 tonnes (60 fois la poussée des 4 réacteurs de Concorde). 15 tonnes de carburant étaient brûlées chaque seconde. A la fin de la combustion du premier étage la fusée atteignait l'altitude de 61 km pour une vitesse de 9600 km/h.
- Le second étage (S-II) était doté de 5 moteurs de type J2, développant une poussée totale de 450 tonnes. 1 tonne de carburant était consommé chaque seconde. En fin de combustion, l'altitude était de 173 km et la vitesse passait à 27800 km/h.
- Le troisième étage (S-IV B) possédait un seul moteur, de type J2. Développant une poussée de 90 tonnes, il devait ètre mis à feu deux fois: pour atteindre l'altitude de 187km en 2 min puis pour insérer Apollo en orbite l'emmenant sur la Lune
Deux réservoirs composaient chaque étage. Pour le premier étage, il y avait des réservoirs de kérosène et d'oxygène. Pour les deux autres étages, des réservoirs d'hydrogène et d'oxygène avaient été installé. Les ergols liquides étaient dirigés vers la chambre de combustion du moteur à réaction grâce à un système de préssurisation à l'hélium. C'est par des tuyères orientables que s'échappaient le comburant brulé. Saturne V fut une prouesse technique car pour la première fois, une fusée allait dans l'espace avec du dihydrogène. En effet, 1 kg de dioxygène mélangé à du dihydrogène génère en effet une poussée 40 % plus forte que 1 kg de kérosène mélangé à de l'hydrogène. Mais le dihydrogène et le dioxygène ne sont liquides qu'à de très basses températures : - 243°C pour l'hydrogène et - 183°C pour l'oxygène. Le stockage posa alors problème, mais aussi le réchauffement de la fusée, la circulation des ergols ou encore la stabilisation des carburants au fond des réservoirs alors qu'ils se vidaient.
Les moteurs à réaction à hydrogène sont appelés moteurs à ergols liquides. Ils sont déstinés aux fusées. Dans ces moteurs, le dihydrogène liquide est injecté avec le dioxygène liquide dans une chambre de combustion. Les deux ergols brulent violemment produisant ainsi une grande quantité de gaz à haute température. Ils sont alors accélérés et éjectés à grande vitesse par le biais de la tuyère. Cela crée une force de propulsion. Le moteur-fusée à ergols liquides transforme donc en force propulsive l’énergie dégagée par la réaction chimique entre deux ergols: le dihydrogène (carburant), et le dioxygène (comburant).
L'inconvénient de ce système est la nécessité d'avoir une réserve importante de carburant, car le rendement est faible. Dans le cas d'une fusée, le comburant doit ètre stocké car il n'y a pas de dioxygène dans l'espace. Bien que les ingénieurs en astronautique aient acquis une certaine maîtrise du domaine lors de la course à l’espace, le moteur en lui-même reste assez difficile à réaliser, à cause des contraintes physiques énormes que subissent les composants (par exemple, la tuyère doit résister à des températures atteignant 3300°C) ainsi que de l’extrême complexité du système d’alimentation en carburant (pour que la propulsion soit efficace, le carburant doit être pressurisé avant d’être injecté dans la chambre de combustion).
Le dihydrogène et le dioxygène forment un couple d'ergols particulièrement efficace même si les températures de stockages sont extrèmement basses (-253°C pour le dihydrogène). Il faut donc des réservoirs important.
Les sous marins
Les sous-marins militaires doivent satisfaire deux contraintes essentielles :
- grande autonomie en immersion
- discrétion (sonore et thermique)
Le ministère de la défense allemand lance les premières études en 1970 sur la technologie de sous marins à hydrogène. En 1980, les premiers tests sont réalisés en mer avec un sous marin de classe 205. Siemens avait concu la pile à combustible en partenariat avec le chantier naval HDW. Pour des contraintes de flottabilité (volume et masse) trois cylindres d'hydrures métalliques (FeTi) devaient contenir l'hydrogène. L'oxygène était alors stocké de façon cryogénique dans deux cylindres. Les cylindres de stockages devaient se trouver à l'extérieur de la coque étanche. Pour des raisons de disponibilité de technologie, les premiers tests ont été effectués avec une pile à combustible d’une puissance de 100 kW. La mise en œuvre a été ensuite faite avec une pile à combustible à un niveau de puissance de 300 kW et complétée par une batterie au plomb. Un réservoir de 160 T d’hydrure FeTi stockait 20 000 Nm3 d’hydrogène (9 modules de 30 kW, dont un de secours). L'eau produite par la pile à combusible alimentait le réseau sanitaire. Le premier prototype opérationnel (baptisé U-31 Wittenberg, Class 212A, de 1700 T pour 56m de long et un équipage de 27 marins) a terminé ses essais en mars 2004 en atteignant une autonomie de 3000 km en plongée, à faible vitesse : il inclut un moteur diesel de 3012 MW pour la navigation en surface et un ensemble pile à combustible-batterie, pour son fonctionnement en plongée.
Ainsi, ces exemples d'utilisation des moteurs à hydrogène prouvent l'intérêt que présente ce vecteur énergétique. Même s'il y a eu des échecs, les scientifiques ont continué de développer le moteur à hydrogène pour qu'il s'adapte aux contraintes techniques. Toutes ces améliorations ont permis d'ouvrir le moteur à hydrogène à d'autres utilisations que l'usage gouvernemental tel que les sous marins militaires.